Flavien Chervet interroge la créativité de l'IA

À l’heure de ChatGPT, DALL.E et autres algorithmes derniers nés de l’IA, Flavien Chervet porte un regard philosophique et futuriste sur ce phénomène dans son ouvrage optimiste. Il appelle C-Borgs (« Creative-Borgs ») les machines fondées sur l’Intelligence Artificielles douées de créativité. Rencontre.

L’Intelligence Artificielle rencontre un engouement médiatique à l’heure actuelle. Pourquoi écrire un ouvrage sur ce sujet, quel angle prendre pour y apporter un éclairage complémentaire et singulier ?

Je m’intéresse depuis 2014 à ce que l’IA peut apporter à la créativité humaine. Je donne notamment des conférences de prospective sur ce sujet en abordant ses aspects scientifiques, techniques, philosophiques et même artistiques.

J’ai organisé des meetups à Lyon sur l’intelligence artificielle, aujourd’hui 3 500 personnes font partie de cette communauté. J’ai co-créé l’association Lyon iS-Ai, un do-tank dont la mission est de démystifier l’intelligence artificielle auprès du grand public et des entreprises, ainsi que d’éduquer à son usage éthique.

En 2021, je rencontre Miguel Aubouy, auteur de livres sur l’innovation et éditeur (Les éditions Nullius In Verba). Il m’a proposé d’écrire, je lui ai proposé ma thématique et ça a été le match ! Le projet ‘Hypercréation’ était né. Je voulais un concept qui puisse être repris et qu’il y ait les deux mots : création et hyper amène la logique de la puissance de l’IA. « Hypercréation » pose des questions philosophiques sur le lien humain-machine.

Concernant la sortie du livre, l’actualité est venue à notre rencontre. Quand j’ai commencé à écrire en avril dernier, le sujet demeurait encore très spécifique. En juin, des algorithmes pour créer des images comme Midjourney, Stable Diffusion, DALL-E sont sortis en posant directement la question de la créativité. En novembre, ChatGPT apparait. Les médias s’en emparent. Et on commence à parler de l’IA en se rendant compte des capacités créatives qui émergent de ce type d’algorithme. Ce sujet devient alors complètement entendable par le grand public. Un time to market incroyable…

Comment abordez-vous justement cette notion d’hypercréativité ?

Une partie questionne et définit la créativité, une autre s’intéresse aux algorithmes actuels au service de la créativité humaine. La troisième partie est plus prospective, elle soulève cette problématique : est-ce que des algorithmes peuvent être créatifs par eux-mêmes et si oui comment ? Une réflexion philosophique sur les impacts et enjeux pour l’humain introduit et conclu les trois parties du livre.

Enfin, pour s’immerger dans le propos, le livre est interactif. Quelque 25 QR codes amènent sur des plateformes relatives à la thématique. On va trouver des réalisations d’artistes, de scientifiques imaginées à l’aide d’algorithmes créatifs…Et bien d’autres contenus encore.

Mon objectif premier reste de vulgariser le propos pour un large public. Je souhaite vraiment que le lecteur sorte du livre en se disant « J’ai compris ce qu’était l’IA, ce qu’était la créativité, j’ai compris comment des algorithmes pouvaient participer à la créativité et j’ai des belles ouvertures pour penser la relation de l’homme à la machine sous ce regard-là. »

Quelle suite pourriez-vous donner à ce livre ?

Dans un premier temps j’aimerais faire une bande dessinée, liée au livre, co-créée avec une IA qui ferait les illustrations et moi les textes.

J’ai aussi créé un livret méthodologique appelé ‘Hyperprompt’ pour compléter le livre : il ajoute une dimension opérationnelle et permettra aux lecteurs d’expérimenter par eux-mêmes.

Pour ce qui est d’une suite propre, un tome 2 prolongerait la réflexion sur l’usage créatif des IA. Ces technologies avancent très vite en ce moment.

Enfin, j’ai aussi envie d’écrire un livre plus poétique sur l’humain et la machine, qui ne s’inscrit pas dans l’image manichéenne que parfois le cinéma ou la littérature peuvent donner. L’ère industrielle n’est plus, et la machine n’est plus non plus la grosse machine rouage qui aliène l’humain.